je vous regarde...

Rift Cichlid Africa

entete

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Cet article est intégré dans un thème général appelé “protection, du rêve à la réalité”; pour consulter la présentation du thème et sa composition, clic sur bouton vert ci dessous  Le fond documentaire est constitué des photos d’Antoine Bittard et de celles fournies par plusieurs aquariophiles (Laurent Cabbeke , Didier Michel, Gérard Peschiutta, Pete Barnes et Benoit Jonas) que nous remercions pour le partage.  (clic sur les photo spour agrandir); merci de respecter les droits de diffusion et de copie textes, photos et vidéos (voir “A propos”, page d’accueil du site).

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Neotropic, un éleveur professionnel engagé...

Antoine Bittard(avec la complicité de Gérard Delfour)

A On fait connaissance...

Gérard :A 01 Bonjour Antoine ; je suis très heureux que vous ayez accepté de participer à cet échange sur un sujet complexe et  délicat : la protection des espèces de poissons d’ornement du  lac Malawi. Beaucoup de nos lecteurs vous connaissent sans doute mais, pour les autres,  pourriez-vous nous parler un peu de vous ?

A  : Bonjour Gérard, je suis âgé de 40 ans et ai créé NeoTropic en Mars 2011. Au niveau cursus scolaire, j’ai un Bac S, DEUG de bio et le DESTA (Un diplôme BAC + 4 en Aquaculture qui depuis a été fusionné avec une autre formation). Suite à cela j’ai intégré un grossiste en poissons d’aquarium chez lequel je suis resté 5 ans avec différentes tâches et responsabilités (soins poissons, puis responsable partie élevage). J’ai pu y voir tous types de poissons provenant des 4 coins du globe, donc une très bonne école niveau maintenance et détection/soin de pathologies.

01 Message sue la plage
02 Au Malawi, dans un café avec les pêcheurs

G  A 02 Pourquoi cette attirance pour les poissons ?

A :  Tout jeune j’ai pu approcher les premiers poissons via la pêche à la ligne, puis très rapidement la possession d’un petit aquarium (Guppys, poissons rouges, etc…).

La rencontre avec mes premiers cichlidés s’est effectuée grâce a un don de Vieja synspillum, puis plus tard les Cichlidés des grands lacs africains, passionnants au niveau spéciation, diversité des évolutions (et des causes évolutives).

G : A 04 En 2018 et 2019, vous êtes allé au Lac Malawi pour collecter avec les pécheurs exportateurs . avant de quitter la France, vous avez lancé une  campagne de dons, en nature ou en fournitures scolaires (pour les écoles) qui a suscité une grande participation des  amateurs ; cette initiative rare est une façon de rendre un peu à cette Afrique qui nous donne tant de plaisir. Quelles sont les origines de cette idée ? Quels résultats ? Quel accueil et réaction de la part des écoles ? Comment cette initiative a-t-elle été reçue par vos pécheurs exportateurs ?

A : En voyant que Le Malawi était le deuxième pays le plus pauvre du monde, il me semblait incohérent d’y aller sans effectuer une action. L’école de Chipoka ( Lieu où nous séjournions) a ainsi pu bénéficier de milliers de stylos/ crayons etc que nous avions pu emmener dans nos bagages ainsi que 6000 cahiers achetés sur place (cela revient bien moins cher d’acheter les cahiers sur place et cela fait fonctionner le commerce local). En amont , nous avions pu bénéficier de l’aide logistique de la pêcherie pour récupérer tous ces cahiers la semaine précédant notre arrivée.

Nous avons pu constater que cette action est loin d’être inutile : la plupart des élèves ne possédaient ni cahiers si crayons avant notre arrivée… De même lors de chaque voyage, nous emportons des vêtements en quantité afin de les donner au personnel de la pêcherie. Au vu des sourires des enfants et des employés de la pêcherie, il est évident que ces dons sont appréciés.

03 Discussion...
04 Distribution pour les petits, aussi...
05 Distribution...
06 vue depuis pont supérieur du Ilala
07 On attend la distribution...
08 Photo du lac à chipoka en 2009 (photo de Carsten klarborg)
09 Sur le Ilala, le ferry du lac Malawi
10 Fabien lors du premier voyage au Malawi

G A 05 Pour nos lecteurs, pourriez-vous nous indiquer quelques vidéos ou reportages dont vous êtes particulièrement fiers, qui représentent ce que vous êtes ?

A :
Les Vidéos relatives aux voyages effectués au Malawi (disponibles sur la chaîne youtube Neotropic) illustrent bien à mon sens l’esprit de l’entreprise

Voir ici :https://www.youtube.com/results?search_query=neotropic

( NDLR : sur cette chaîne d’une dizaine de vidéos, on trouve notamment un tuto bac Malawi Mbuna, et un autre sur un bac Tanganyika tres interessants pour les débutants, une vidéo sur le voyage de 2019, des vidéos animalieres et plusieurs albums musicaux)

une entreprise spécialisée dans l'elevage...

G A 06 Vous avez créé votre magasin  en 2011. Comment est né ce projet ? Comment a-t-il évolué ?

A : Neotropic n’est pas un réel magasin. Il s’agit d’abord d’une structure d’élevage (des Cichlidés africains mais également des barbus, scalaires, carpes Koi, crevettes, Tetras, Corydoras, Ancistrus); Neotropic a été lancé en  Mars 211

 Neotropic s’est d’abord voué à alimenter le marché des grossistes en poissons d’ornement. La vente directe et les imports de poissons sauvages ne sont apparus que par la suite. Au départ NeoTropic produisait des Guppys en quantité (25 000 par mois) destinés à fournir les grossistes (bien plus complexe à élever en quantité que des Cichlidés par exemple !) , mais une évolution du marché a incité à offrir une vente directe (incluant les expéditions en VPC via les commandes passées sur le site internet) et à diversifier la production.

G : A 07 Votre entreprise est spécialisée dans les poissons d’ornement ; comment peut on décrire votre offre et ses originalités ?

A :
Neotropic  deux activités :

       – c’est un spécialiste de l’élevage “fait maison et français” :  Les imports réguliers de poissons sauvages permettent d’offrir et de conserver des souches de poissons de qualité parfaite. Ainsi de nombreuses espèces sont proposées en F1 issus des géniteurs reçus directement du fournisseur au Malawi.

      –  importation et vente de poissons sauvages (dont cichlides) : NeoTropic travaille avec le même collecteur sur les bords du lac Malawi depuis des années. Le fait d’aller sur place, partir avec les pêcheurs pour dénicher de nouvelles variétés a permis de créer un lien direct et une confiance, bref il s’agit également de rencontres humaines. L’objectif est toujours de se démarquer et de faire venir en premier des poissons rares ou issus de localités jamais ou très rarement collectées (Par exemple, Narungu, Nakantenga, Maleri, Mbamba Islands, Linganjala).

Par ailleurs, NeoTropic passe toujours du temps à conseiller les clients dans la mise en place de leur aquarium (du moins avec ceux qui souhaitent faire les choses correctement). Il s’agit d’animaux vivants et tout doit être mis en œuvre pour éviter des stress qui sont majoritairement à l’origine des soucis que rencontrent les aquariophiles. Un tuto sur la mise en route d’un bac à Mbunas (voir ici :https://www.youtube.com/watch?v=iiEFXOZQ1B8&t=308s) a d’ailleurs été posté sur la chaîne youtube de l’entreprise dans ce but. Les sauvages importés ici sont systématiquement déparasités, observés et alimentés sur de l’aliment inerte durant au moins trois semaines ! Il n’empêche qu’il est crucial d’être vigilent et attentif en faisant l’acquisition d’un sujet sauvage à la suite de cette période (Ne serait ce que déonthologiquement)

11 Arrivage de sauvages
12 Néotropic sous la neige
13 Mon fils qui nourrit les géniteurs

G :  A 08 Comment peut-on décrire en quelques mots votre installation ?

A : Neotropic, c’est un bâtiment de plus de 400m2 chauffé à 25°C situé en Bretagne, au Sud de Rennes. Des bassins exterieurs permettent l’élevage de poissons de bassin et dans le bâtiment, des rangées d’aquariums de différents volumes (120l et 450l) ainsi que des bacs d’élevages circulaires de 1000l permettent la reproduction et élevage des espèces tropicales.

Les filtrations sont effectuées à l’aide de pains de mousse(avec exhausteurs) et/ou filtres à sable et filtres semi-humides

14 ??? Metriaclima Zebra chizumulu (Antoine)
15 Mon porte danois Carsten klarborg en train de pêcher des poissons chez Neotropic.
16 Géniteurs labidos
17 M . zebra blue chitseko- espèce rare que je reproduis ici

GA 09 :   90 % des poissons que vous offrez sont issus de votre propre reproduction : pourquoi et comment cette spécialisation qui est aussi un atout important ?

A : C’est à mon sens le moyen le plus sûr de garantir la fiabilité des poissons que l’on propose à la vente. En faisant venir (voir en allant chercher et collecter) les poissons que l’on place ensuite en reproduction afin de proposer à la vente leur descendance est le top de la traçabilité !

Sur certaines espèce menacées ou très rares, Neotropic a déjà à plusieurs reprises divisé ses lots de géniteurs afin de sécuriser et offrir plusieurs lignées distinctes aux clients et ainsi leur permettre de conserver plus longtemps des souches identifiées.Les alevins d’incubateurs buccaux sont récupérés manuellement régulièrement (Toutes les incubations ne sont pas récupérées ; cela dépend des besoins sur telle ou telle variété mais il y a au minimum 300 incubations mises de côté chaque mois). Les alevins sont identifiés, démarrés aux nauplies d’Artemias, puis basculés sur de l’aliment inerte grantissant une croissance rapide et harmonieuse.

18 P Aulonocara sp.stuartgranti maleri de Chidunga, Sauvage.
19 Aulonocara baenschi Nkhomo reef (Didier Michel)
20 A. kand M (Didier Michel)
21 Aulonocara jacobfreibergi Otter point (Didier Michel)
22 Copadichromis borleyi Kadango M (Didier Michel)
23 Copadichromis parvus Metangula M (Didier Michel)
24- Aulonocara maylandi Liwewe reef( Didier Michel)

G A 10 :  Provenance de vos importations ?

A :Malawi et  Tanzanie (beaucoup plus rarement)

Mon exportateur(et pécheur) est l’entreprise MAI

 

 

G: A 11 A qui et comment vendez-vous ?

A  : La grande majorité des poissons sont vendus aux professionnels européens et internationaux (ils partent un peu partout sur la planète). Les problématiques liées aux modifications des flux aeriens suite au Covid complexifie grandement les envois hors union européenne mais il est neanmoins poissible de trouver des vols abordables sur la plupart des destinations.

 La vente aux clients particuliers , que ce soit sur place ou en VPC s’adresse majoritairement aux français et aux habitants des pays limitrophes. Plus loin c’est beaucoup plus rare

G: A 11  -A  Avez vous déjà importé des cichlides sauvages classés en risques ou vulnérables (ou péchés dans une zone interdite) afin d’organiser une reproduction ou de les vendre directement ? si oui, pourquoi ?

A :  Certains poissons sont mentionnés très souvent sur les stocks list exportateur, par exemple, Aulonocara benshi ou Aulonocara kandeense. Il m’arrive d’en commander pour répondre à une demande forte, notamment pour la première espèce.

G :  A 02 Récemment , vous avez organisé des opérations en commun avec Abysse ; c’est une initiative rare et très intéressante ; pouvez nous dire pourquoi cette opération a été montée et nous donner une idée des résultats ? êtes vous satisfait ?

25 Maylandia usisyae (G Peschiutta)
26 ??? Maylandia callainos Nakantenga (Antoine)
27 Buccochromis spectabilis M (Didier Michel)

A : J’ai de bons rapports avec Eric (Abysse) : quand les gens sont sérieux on peut tout à fait s’entendre pour essayer de tirer le marché vers le haut : c’est crucial au vu de la disparition annoncée des Cichlidés des enseignes aquariophiles (généralisation des Certificats de capacité E5E7 sur lesquels ne figurent presqu’aucun Cichlidés). Ça veut dire bâtir des offres différentes voir complémentaires, donner plus de conseils, partager la passion, faire partager les compétences, etc… Un bac de Cichlidés ça se réfléchit : vendre des poissons en mettant un bleu, un rouge et un jaune pour faire joli n’a pas de sens et détruit le marché car on casse la passion chez des débutants qui finissent par abandonner.

G:  A 13 Info sur l’entreprise 

A :

Neotropic – 3, Lieu dit les Clôtures – 35890 LAILLE

Portable : 06 07 95 45 75

http://www.neotropic.fr

https://www.facebook.com/EARLNeoTropic

https://www.facebook.com/groups/1725206237733677/

earlneotropic@yahoo.fr

https://www.youtube.com/channel/UCNbyI0FkLDjYq19MI_erDyg

Propriétaire :  Antoine Bittard

 

B Votre vision de l’aquariophilie en France...

G : B 01 Comment percevez-vous l’évolution générale de l’aquariophilie en France . Quelle tendance pour ce  hobby  ?

A : L’aquariophilie en général est relativement stable mais le marché du cichlidé n’est pas en hausse, c’est certain.

G :B 02 Selon vous, y a-t-il une évolution de la demande des amateurs ?

A : C’est aux boutiques spécialisées dans le Cichlidé d’être sérieuses et ne proposer aux passionnés que des poissons conformes aux phénotypes sauvages. Il y a bien suffisamment de couleurs et morphologies multiples dans les lacs africains pour ne pas chercher à vendre des hybrides. Selon moi, c’est incompatible avec la volonté de tirer le marché des passionnés vers du plus qualitatif.
La détention de sauvages n’est pas et ne devrait pas être une finalité.

28 Maylandia koningsi mâle (G Peschiutta)
29 Maylandia koningsi femelle (G Peschiutta) (3)
30 Maylandia koningsi jeune mâle (G Peschiutta)

G : B 03 Une évolution des structures de commercialisation ?

A : internet ? La vente sur internet est dans l’ère du temps mais représente également un danger pour la passion : on peut commander n’importe quoi sans aucun conseil et mélanger des poissons totalement incompatibles en courant à la catastrophe. C’est bien pour cette raison que je précise bien,  sur chaque référence et en gros sur la boutique en ligne de l’entreprise, qu’il faut demander conseil en cas de doute et que  je répondrai moi-même aux questions.

concurrence étrangère ? (expédition en France..) il y en a toujours eu des voyages, , notamment vers l’Allemagne avec des voitures qui regroupaient les commandes pour aller chercher les poissons. Au final, désormais, les boutiques allemandes ont bien augmenté leurs tarifs et j’ai eu ici une multitude d’espèces et variétés que les allemands n’ont jamais eu, donc….

31 Protomelas sp. 'steveni imperial' Pombo reef (Didier Michel)
32 Stigmatochromis modestus M (Didier Michel)
33 Placidochromis electra Fort Maguire (Didier Michel)

C sujets d’actualité..

G : C 01 Actuellement, on ne peut pas parler de l’aquariophilie sans évoquer quelques grands sujets d’actualité, d’abord le Covid : comment avez-vous vécu cette période difficile, vous, votre famille, et votre entreprise ?

A : Pour l’importation, cela a été vraiment problématique durant pas mal de temps (plus d’avions disponibles ou alors impossible d’obtenir des correspondances de vols compatibles avec l’envoi d’animaux vivants. Désormais c’est rentré dans l’ordre.

Au niveau du travail sur l’entreprise, cela a permis de se remettre sur des productions que je n’avais pas forcément le temps d’effectuer habituellement.

G : C 02 En Europe, on a une image un peu floue de l’impact du covid sur l’Afriqueet notamment les régions qui bordent les grands lacs   ; pour ces états, le Covid représente t  il une nouvelle déstabilisation, notamment économique, en plus des conséquences sanitaires ? Quels échos de vos exportateurs ?

A : d’après les  retours que j’ai pu avoir,  il y a peu d’impacts si ce n’est que les pêcheries ne pouvaient plus expédier de poissons du fait du manque d’avions. L’économie de ces pays est déjà très précaire en temps normal : très peu de touristes par exemple en temps normal au Malawi donc cela ne change pas grand chose. Il est impossible d’avoir des statistiques fiables concernant l’impact direct de la maladie COVID sur les populations locales : ils vivent quasiment tout le temps à l’extérieur et les populations sont très jeunes (espérance de vie très faible du fait notamment du paludisme et HIV) donc probablement impact relativement limité.

G : C 03  Second sujet d’actualité, la crue des lacs…Bien avant la période des pluies, on a observé une montée des eaux du lac Tanganyika et aussi, dans une moindre mesure, pour le lac Malawi, avec de nombreux dégâts, soit directement, soit liés aux  rivières en crue ; il y a même des populations qui ont du être déplacées car privées de toit. Ce n’est pas la première fois, mais il semble qu’on soit dans un cycle long, avec une montée progressive des eaux. Que pensez-vous de ce phénomène ? le changement climatique est il la cause principale ?

A : Je ne prétends pas avoir les connaissances suffisantes pour pouvoir analyser ces phénomènes mais ce qui est certain c’est que le rivage du Lac Malawi est environ 100m plus éloigné de la pêcherie avec laquelle je travaille comparé à il y a une dizaine d’années…

34 Tempète pendant la crue du lac Tanganyika
35 Innondation, nord du lac Tanganyika
36 Montée des eux, nordd du lac Tanganyika

G : C 03 A  Enfin, une actualité récente :  ces jours derniers, deux news importantes semblent  aller dans le même sens : une délibération d’un conseil fédéral allemand (https://www.facebook.com/groups/171301680563484)  semble proposer d’interdire complètement toute importation d’animal sauvage, y compris les poissons;  dans le même temps, le projet de loi actuellement au Sénat (en France)  sur la maltraitance animale ( Sénat  projet de loi n° 87) semble  être sur la même ligne…Il est peu probable qu’une évolution aussi profonde se fasse rapidement, mais ce n’est pas la première alerte réglementaire et on ne peut contesté que le mouvement soit lancé. Absence de poissons sauvages signifie, en théorie et à terme, une remise en cause profonde de l’aquariophilie pour les poissons de forme naturelle…Qu’en pensez vous ? une telle réglementation est elle bonne, réaliste ? Quelle portée si elle n’est pas européenne ou reprise par le Cites ? Faut il des listes positives ou négatives ?

A : On ne peut exclure qu’une réglementation visant à restreindre les importations  s”installe progressivement; si elle est bien conçue, elle devrait permettre une meilleure protection des espèces les plus menacées.

Mais il est évident que  si ces dispositions sont trop générales, elles vont provoquer une évolution profonde de la demande adressée aux exportateurs dont l’activité va baisser fortement avec la perspective de ne plus pouvoir couvrir leurs coûts.

C protection des espèces : approche générale...

G : D 01 L’objet de notre échange est de parler de la protection des espèces vulnérables ou en danger (poissons d’ornement) du lac Malawi, ce qui  sous entend que le danger peut provenir des menaces pesant sur le lac ; peut on rappeler les grands types de  menaces ?  Le lac Malawi est il en danger ?

A : Le principal danger est clairement lié à l’activité humaine : les espèces menacées par les collectes destinées au marché aquariophile sont assez peu nombreuses.

La réelle menace c’est la démographie qui explose et se masse sur les côtes du lac : pollution, surpêche alimentaire d’usipas et planctonophages. Ceci créé un déséquilibre de la chaîne alimentaire : la baisse du nombre de planctonophages entraîne une explosion du plancton qui trouble l’eau et donc freine la pénétration de la lumière dans l’eau et réduit la photosynthèse. Les aufwuchs se développent donc moins bien et moins profondément, donc les poissons brouteurs ont de moins en moins de nourriture disponible…

A noter que sur chacune des plages du Malawi sèchent au soleil chaque jour des centaines et centaines de mètres carrés de cichlidés destinés à l’alimentation des populations locales…

37 Otter point (Didier Michel)
38 Paillasses pour sécher les poissons
39 Nakantenga (Didier Michel

G : D 02 Comme pour les autres lacs africains, le lac Malawi a fait l’objet de nombreuses études (voir par exemple étude IUCN : https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/RL-2019-001-En.pdf) sur les menaces et la faune en danger, dont les cichlides; à votre connaissance, la situation évolue t elle ? Quels sont les principaux progrès ? y a-t-il des freins ?

A : Dans les réserves les densités de poissons sont au maximum par rapport  aux ressources alimentaires que peuvent procurer le milieu.

G :D 03  J’insiste un peu…Vous avez des contacts avec les exportateurs et leurs plongeurs : pour le lac Malawi,  avez-vous l’impression que la densité de poissons diminue ? Que certaines espèces ont modifié leurs habitudes de vie ?

A : Les cichlidés arrivent à régénérer leurs populations assez rapidement. Mise à part les quelques exemples connus (C.saulosi notamment), lorsqu’une variété a été trop collectée (à tort) par les pêcheries, ils devient bien moins intéressant pour eux d’essayer de la collecter à nouveau (dépense d’essence pour aller sur le site, de temps passé pour collecter très peu de poissons), donc ils se détournent généralement de cette variété ou même carrément de ce site de collecte jusquà ce que la population se soit reconstituée.

G :D 04 Pour le lac Malawi , peut on rappeler les grands zones où le pêche est interdite,  ?

A :
Au Malawi il y a deux grandes zones protégées :

zone 1 : Nankoma -Maleri- Nakantengazone

zone 2 : la région   de Cap Maclear (Thumbi west, Domwe, Zimbawe rock, Otter point etc..)

 

G :D 06 Avez-vous eu l’occasion d’avoir des relations avec des organisations ou associations qui travaillent sur le sujet de la conservation et de la protection des espèces ? (pour le lac Malawi ou autres..) , si oui, lesquelles ? Comment appréciez-vous leurs actions ?

A : Seulement avec quelques scientifiques qui collectaient des poissons pour analyses génétiques ou analyses des évolutions dans le National Park

E Protection des espèces : approche détaillée (Cichlides)...

G :  E 01 Cet article a pour but d’informer, de sensibiliser ; pour cela, je vous propose de passer en revue, pour les cichlides du lac Malawi, les espèces qui, d’après vous, sont vulnérables ou en danger. Puis je avoir votre avis sur ces espèces ? Dans l’ étude IUCN citée plus haut, ces espèces sont répertoriées et classées selon 3 niveaux de sévérité décroissant (en danger critique, en danger, et, enfin vulnérable). Commençons par Chindongo saulosi dont on a beaucoup parlé en France :

A : Je n’ai pas pu y plonger donc je ne peux pas me prononcer mais il semblerait qu’en quelques années la population ait bien augmenté (comme cela avait été le cas lors de la précédente campagne d’arrêt des collectes il y a des années)

40: Mâle metriaclima pyrsonotos Nakantenga f0 (Laurent Cabbeke )
41 Metriaclima fainzilberi Lupingu (Laurent Cabbeke )
42 mâle Chindongo Saulosi Tawain Reef en F1 (Laurent Cabbeke )

G : E 02 Aulonocara baenschi, Aulonocara kandeense, Aulonocara maylandi en danger critique ?

A : Pour ces trois espèces il est clair que les pêcheries en trouvent moins que lors des collectes effectuées il y a quelques années ( Pour le kandeense le soucis est surtout la pêche alimentaire)

43 Metriaclima Pyrsonotos Nakantenga femelle O (Laurent Cabbeke )
44 Metriaclima pyrsonotos Nakantenga mâle BB (Laurent Cabbeke )

G : Copadichromis nkatae, en danger critique ?

A  :  Pas de retour sur cette espèce

G :E 04 Melanochromis chipokae, Melanochromis lepidiadaptes,  Metriaclima koningsi ?

A : J’ai vu des chipokae et koningsi sans trop chercher en plongeant. M.koningsi est désormais présent sur différentes zones de Likoma donc aire de répartition en extension

45 : mâle metriaclima fainzilberi Maison reef f0 (Laurent Cabbeke )
46: couple metriaclima sp. Dolphin Thumbi point f0 (Laurent Cabbeke )
47: mâle metriaclima zebra Chizumulu mc f1 (Laurent Cabbeke )
48: mâle metriaclima sp. Dolphin Thumbi point f0 (Laurent Cabbeke )

G : E 05 Metriaclima usisyae ?

A : Pas de retour sur cette espèce

G : E 06 Nyassachromis breviceps ?

A :Pas de retour sur cette espèce

G : E 07 Oreochromis chungruruensis,   Oreochromis karongae, Oreochromis lidole, Oreochromis squamipinnis  en danger critique ?

A :Tous les Chambo sont consommés (et prisés). Il n’y a aucune collecte pour l ‘aquariophilie de ces espèces

49: mâle metriaclima callainos Charo f0 (Laurent Cabbeke )
50: mâle metriaclima estherae Minos reef f0 (Laurent Cabbeke )
51: mâle metriaclima glaucos Cobue f0 (Laurent Cabbeke )
52: mâle metriaclima tarakiki Mbamba bay mc f0 (Laurent Cabbeke )

G :E 08  Pseudotropheus cyaneorhabdos en danger critique ?

A : J’en ai vu assez facilement en plongée. Ils ne sont d’ailleurs pas présents qu’à Maingano

 

G : E 09  Parmi les especes en danger : Aulonocara guentheri

Champsochromis spilorhynchus,  Labidochromis zebroides,  Nyassachromis boadzulu,  Placidochromis phenochilus, Pseudotropheus brevis, Serranochromis robustus,  Trematocranus microstoma   ?

A :Pas de retour sur ces espèces

53 Metriaclima fainzilberi Mdoka (Laurent Cabbeke )
54 Chindongo néon spot Hai reef (Laurent Cabbeke )
55 Pseudotropheus Perileucos Likoma (Laurent Cabbeke )
56 Labidochromis caeruleus Lion's cove (Laurent Cabbeke )

G : E 10 Et, enfin, les espèces vulnérables : Chindongo demasoni, Cynotilapia chilundu,  Cyrtocara moori,  Metriaclima flavicauda, Nimbochromis fuscotaeniatus,  Otopharynx pachycheilus,  Rhamphochromis esox,   Rhamphochromis longiceps,  Trematocranus microstoma ?

A :Pas de retour sur la plupart de ces espèces. Les Cyrtocara moorii sont bien présents mais souvent peu collectés sur les zones où ils circulent.

57 Cyrtocara moorii male (Didier Michel)
58 Cyrtocara moorii femelle ? (Didier Michel)

G : E 11 Une très longue liste, d’autant plus inquiétante que ces poissons sont tous endémiques…. Une réflexion à ce sujet ?

A :Au vu des (environ) 1000 espèces qui peuplent le lac c’est relativement peu mais finalement les 1000 sont réellement en danger…

G : E 12 Je ne résiste pas à m’arrêter sur Cyrtocara moorii qui a été une des mes grandes joies de mes premières années aquariophiles.. On trouve maintenant des C moorii provenant de plusieurs lieux de pêche, ce qui voudrait dire que la population est abondante et diversifiée. Donc, il est surprenant de le voir classer en « vulnérable « : comment cela s’explique t il ?  

A :Je ne sais pas comment est réellement établie cette liste car ce poisson est réparti sur une grande partie des côtes donc à mon sens bien moins vulnérable que d’autres espèces dont l’aire de répartition est minuscule…

G : E 14 Sous l’angle des menaces et des risque,  y a-t-il, à votre connaissance,  des différences importantes entre les lacs Tanganyika et Malawi ?

A : Les problématiques démographiques et économiques/ sanitaires sont les mêmes

G : E 15 Quelques mots sur la situation actuelle du lac Victoria ?

A :je n’ai pas de retour autres que ce que l’on peut triver comme informations sur internet

G Protection : quel rôle des importateurs...

G : G 01 Protéger est l’affaire de tous, et chacun doit faire un pas afin notamment  pour diminuer les prélèvements de poissons sauvages. Je vous propose maintenant de parler du rôle de chaque acteur de la filière aquariophile, en mettant l’accent sur  le votre c’est-à-dire celui des importateurs et commerçants. (Nous verrons les autres rapidement ensuite). Peut on dire que leur rôle actuel est essentiellement de diffuser des poissons, de participer à leur connaissance et à leur maintenance, de conseiller ? Leur présence permet –elle aussi de maintenir une certaine qualité dans les cheptels maintenus par les amateurs ?

A :Malheureuesement sur la majorité des variétés importées, au bout de seulement quelques années il est très difficile de retrouver trace des espèces dans le hobby. Et les professionnels peuvent, du fait de leur capacité  d’élevage conserver certaines variétés mais il est impossible de tout conserver et pérenniser.

G : G 02 Ces acteurs spécialisés sont un maillon essentiel de la filière aquariophile et leur rôle est particulièrement important ; peut-on dire qu’ils sont des « influenceurs » car ce sont eux qui « fabriquent » l’offre proposée aux amateurs ?

59 Cyrtocara moorii (Benoit Jonas)

A :J’essaie toujours de trouver et proposer des nouveautés. D’une part pour démarquer Neotropic des autres acteurs, mais aussi pour « l’excitation » de recevoir des nouveautés.

G : G 03 Mais ces acteurs sont aussi des entreprises, avec nécessairement une recherche de revenu. Comment peuvent-ils conjuguer un objectif financier avec une aide, un soutien pour protéger les espèces menacées ?

60 Cynotilapia aurifrons Machili (Laurent Cabbeke )
61 Metriaclima fainzilberi Mdoka (Laurent Cabbeke )
62 Labidochromis caeruleus thumbi point (Laurent Cabbeke )
63 Metriaclima fainzilberi Luwino reef .(Laurent Cabbeke )

A :Conserver des variétés en élevage sur le long terme s’accompagne effectivement d’une demande des passionnés . Cela veut dire que si un professionnel veut continuer à produire une espèce qui est très peu demandée (ce que je fais sur certaines espèces), cela n’a pas de cohérence économique mais une cohérence de passionné.

G :G 04 Comment influencent t ils le choix des amateurs pour ce qui concerne la protection ? En fait, cette notion de protection structure rarement de façon visible l’offre proposée :   par exemple, les red list ne sont pas affichées,  les sauvages sont souvent mis en avant,  il n’existe pas toujours une  promotion active des F1 de qualité,  le lieu de pêche n’est pas toujours indiqué … Selon vous, n’y aurait il pas des progrès à faire ?

A :Dans l’esprit de certains,  sauvage = boutique sérieuse . Cela n’a aucun sens. Le poisson sauvage n’est pas une finalité dans la maintenance aquariophile .

G : G 05 Pour se fournir en poissons sauvages, ces acteurs (importateurs-grossistes et commerçants spécialisés)  peuvent s’adresser directement à des exportateurs locaux, dans le pays d’origine des poissons.. Comment sélectionnez-vous ces exportateurs ? Avez-vous des  exigences particulières  sur les pratiques des pécheurs ?  Demandez-vous une bonne fiabilité sur la connaissance du lieu de pêche ?

A :Quelle que soit la pêcherie en Afrique, il y a des erreurs commises par les pêcheurs (ils passent d’une pêcherie à l’autre et d’un pays à l’autre, donc ce sont plus ou moins les mêmes façons de fonctionner). Le fait d’aller sur place permet de garantir ses collectes, et le choix des sites à collecter permet aussi de prévenir certaines « erreurs » ou négligences.

64 Metriaclima msobo Magunga (Laurent Cabbeke )
65 Metriaclima tarakiki Mbamba bay mc (Laurent Cabbeke )
66 Metriaclima fainzilberi Maison reef j(Laurent Cabbeke )

G :G 06 Un autre canal pour avoir des sauvages est de se tourner vers un autre importateur, français ou européen, ce qui demande une certaine confiance dans les pratiques de ce dernier, en particulier sur ses rapports avec les exportateurs locaux et la fiabilité de son offre (lieu de pêche, etc). Quelle est votre expérience sur ce point ?

A :Relativement mauvaise, notamment au niveau des traitements (ou du manque de traitements) réalisés.

G :G 07   Qu’il travaille avec un exportateur local ou pas, un importateur doit il refuser une proposition de vente présentées par un exportateur et portant sur les espèces figurant sur les red list ou manifestement collectées dans une zone interdite à la pèche ? Comment résister à la demande parfois forte des amateurs pour ce genre de poissons ?

A :ce n’est pas affiché « red list » chez les exportateurs!  Une fois le poisson collecté il est trop tard : il sera vendu à l’étranger, en Asie ou autre. Ce que j’avais fait sur le saulosi (après m’être interrogé), est d’avoir finalement commandé les poissons qui avaient été collectés (sans aucune demande de ma part évidemment, mais contrairement à ce que d’autres de leurs clients font…). Si je ne l’avais pas fait, ils auraient fini chez un confrère qui en avait déjà reçu plusieurs fois et les avait revendus.
Chez moi aucun n’a été vendu. Je les ai reproduits et ai tenté plusieurs mois plus tard de donner 500 spécimens F1 pour effectuer une réintroduction sur Taiwan reef. (par l’intermédiaire de Philippe Hotton/Ad Konings). Malheureusement ce projet n’a pu aboutir car selon Ad il y avait trop de problématiques / risques transport+ sanitaire à réaliser cette opération.

G :G 08   D’une manière générale, les poissons sauvages  sont très demandés, voire exigés par une certaine catégorie d’amateurs, pas toujours expérimentés pour maintenir ces espèces précieuses. Une solution pour contenir cette demande serait d’augmenter  sérieusement le prix, le revenu complémentaire étant, pour partie, reversé dans des actions de soutien locale. Cette piste vous semble t elle intéressante ? Réalisable ? (mais il faudrait qu’elle soit commune à plusieurs commerçants dans une zone géographique donnée…) ?

A : Le marché est global, c’est utopique d’imaginer que tout le monde jouera le jeu

57 Stigmatochromis modestus M (Didier Michel)
68 Maylandia usisyae (Pete Barnes
69 Maylandia usisyae (Pete Barnes)

G :G 09 Les poissons d’élevages vendus par un importateur commerçant sont, pour partie, achetés à un éleveur professionnel, en France mais surtout à l’étranger : cette solution est intéressante car elle entraine une diminution des prélèvements de sauvages et permet  une meilleure diffusion, par exemple des F1 pour les espèces en danger. Mais elle pose le problème de la connaissance des pratiques de l’éleveur…Qu’en pensez-vous ?

A :C’est bien une problématique identifiée, d’où l’intérêt de produire au maximum les poissons que l’on commercialise.

G :G 10 Un importateur peut il accepter  d’importer un poisson  de bassin élevé sur les bords du lac ? si oui, peut il avoir des exigences particulières (par exemple sur les conditions de reproduction et d’élevage) ?

A :  sur le Malawi c’est une légende urbaine : il n’y a pas d’élevage au bord du lac et ils en sont loin (coupures quotidienens de courant, manque de connaissances concernant l’élevage etc…) Ce n’est que  récemment que quelques saulosi et chipokae  sont nés en dehors du lac.

G :G 12 Ces importateurs commerçants disposent, comme vous, d’une installation relativement grande et surtout fiable. Une solution pour diminuer les prélèvements de sauvages pour les espces menacées ou particulierement demandées serait donc de consacrer quelques bacs à la reproduction de certaines espèces particulièrement menacées, afin, à partir de F0, de produire des F1 de qualité et avec une excellent traçabilité. Cette solution devait elle être encouragée ?

A : C’est ce qui se fait déjà à Neotropic pour quelques espèces; toutefois, pour être viable, il faut que cette activité soit justifiée par  une demande de bon niveau et pérenne.

G : G 13 L’usage de plus en plus répandu d’internet et l’apparition de nouvelles offres de transport ont conduit à une réorganisation profonde de l’offre…. Cela a considérablement changé le paysage aquariophiles en permettant à certains  acteurs étrangers d’entrer en concurrence avec les acteurs français : comment voyez-vous cette évolution, alors que les critères de qualité sont loin d’été harmonisés ?

A :Si les clients faisaient objectivement le calcul tarif + SAV+Conseils+ fiabilité, il est certains qu’ils n’iraient pas vers des fournisseurs peu fiables…

H protection : le rôle des amateurs et des associations

G :  H 01 Abordons maintenant le coté des amateurs…Pour vous, qu’est ce qu’un bon amateur aquariophile ?

A : Un amateur ouvert d’esprit et cherchant à apprendre

G :   H 02 Plusieurs de mes interlocuteurs m’ont dit que les amateurs étaient la principale cause, par leurs fortes demandes de sauvages,  de la sur pêche qui pesait sur ces poissons : êtes vous en accord avec cette analyse qui tendrait à minimiser le rôle des autres acteurs ?

A : Les importateurs se calquent sur la demande (ils l’orientent également dans une moindre mesure). Si personne ne demande de sauvage, nous n’en commandons pas.

70 Bac Malawi (Jenifer)
71 Maylandia koningsi mâle (G Peschiutta)
72 Maylandia sp. "dolphin" Thumbi Point (Laurent Cabbeke )
73 Maylandia usisyae jeune (G Peschiutta)
74 Maylandia usisyae (G Peschiutta)

G :  H 03 Pour beaucoup d’amateurs, la détention de poissons sauvages reste « un must » : pensez-vous que cela soit « indispensable » au plaisir d’un aquariophile ? Selon vous, un amateur peut il  prendre autant de plaisir en  maintenant de beaux poissons d’élevage, par exemple des F1 ? La détention de poissons sauvages se justifie t elle particulièrement  dans certains cas ?

A :Certains sauvages ont quand même une  morphologie plus marquée ou « racée » si je puis dire mais 99% des gens ne font pas la différence.

G : : H 04 Beaucoup d’amateurs n’ont pas véritablement  conscience des risques pesant sur la faune locale et, en particulier, sur certaines espèces ;   ils ne connaissant pas les conditions de pêche, l’économie locale et les effets de la concurrence entre les pécheurs-exportateurs. Pensez vous qu’une meilleure connaissance du milieu local (du lac par exemple) les aiderait à modifier progressivement leur comportement ?

A :Je ne pense pas malheureusement. Internet met souvent en avant uniquement des clichés de poissons qui valorisent l’auteur mais les discussions approfondies sur les comportements/évolution/écologie globale du lac sont totalement absentes des débats.

75 Ntekete (Didier Michel)
76 maleri island (Didier Michel)
77 Tsano Rock (Didier Michel)

G : H 05 Malgré tout, les esprits évoluent et, au moins dans le discours, les amateurs sont de plus conscients de la nécessité de protéger les espèces ; selon vous, sont ils prêts à s’engager dans une démarche concrète, par exemple en aidant au financement de certaines organisations locales afin de passer des mots à l’action  ? ( structure locale d’élevage,  protection de certaines zones, etc)

A : Je ne  pense  pas…

G : H 06 Les organisations d’amateurs, les associations parfois nationales, ont joué un rôle important dans la promotion et la connaissance des cichlides et autres poissons d’ornement de forme naturelle. Toutefois, les années enthousiasmantes de découverte sont passées et, sous l’effet d’internet notamment, ces organisations éprouvent maintenant quelques difficultés pour motiver leurs adhérents ; Un message pour elles ? Quelles seraient les pistes intéressantes ?

A : Je redirai la même chose qu’au début de l’entretien. Par leur audience et les réunions qu’elles organisent, les associations d’amateurs peuvent aider le marché à évoluer positivement; cela  passe notamment par le sérieux des acteurs : plus grande  vigilance  sur la qualité des souches de poissons diffusées et des efforts pour  une plus grande  fidélisation des néo-Cichlidophiles  (primo ???) afin d’en faire les « experts » et mordus de demain.

78 Lethrinops sp. 'auritus lion' Lion cove (Didier Michel)
79 Lethrinops sp. 'mbasi' Mbasi creek (Didier Michel)
80 Lethrinops sp. 'yellow collar' Harbour bay (Didier Michel)
H 07  Certains amateurs expérimentés (peu nombreux en France) se spécialisent dans la reproduction de certaines espèces rares ou menacées, à partir d’un groupe de F0 ; cela permet de réduire les prélèvements, de répondre à la demande en proposant des F1 de qualité. Que pensez-vous de cette solution ?

A : Il existe effectivement des amateurs spécialisés, mais ils sont peu nombreux. Ils peuvent avoir une role dans la conservation de certaines espèces, par exemple pour proposer des F1 ou des F2 ; cependant, on observe que, sur une longue période, les espèces maintenues par un même amateur sont changées pour diverses raisons (obligation de changer les géniteurs, modification de la demande, etc).

Par ailleurs,il est important que les amateurs concernés proposent des F1 (et F2) en cohérence avec les offres des éleveurs commerçant afin d’éviter toute concurrence inefficace.  

Cela veut dire qu’une organisation des acteurs “en grappe”, autour d’un éleveur commerçant, est une solution qui mérite d’être recherchée. Il convient aussi d’éviter tout abus et d’être raisonnable.

81: mâle cynotilapia aurifrons Machili f0 (Laurent Cabbeke )
82: mâle metriaclima tarakiki Mbamba bay mc f0 (Laurent Cabbeke )
83: mâle metriaclima estherae Minos reef f0 (Laurent Cabbeke )

J protection : le rôle des « gens du lac »...

G :J 01 Enfin, je vous propose  d’examiner les progrès possibles pour renforcer la protection en discutant du rôle des gens du lac, les pécheurs-exportateurs. A votre avis, sont-ils les premiers concernés, c’est-à-dire ont-ils la clé du problème de la protection ?

A :Si votre enfant meurt de faim devant vos yeux, ne lui donnerez vous pas le poisson en voie d’extinction à manger ? ( réflexion après avoir pu vivre quelques semaines au contact des pêcheurs : leur priorité, tout comme pour la majorité des habitants au bord du lac est de trouver à manger…)

G : J 02 Pour les populations riveraines, le lac ) est une source alimentaire, une source de revenu, l’un des  moyens de déplacement avant d’être un trésor de l’évolution des espèces ; les pays qui bordent le lac doivent affronter de redoutables défis avec des moyens limités, même si l’aide internationale est présente : dans ce cadre, pensez vous que la protection des espèces puisse être ressentie, par tous, (y compris les autorités) comme une priorité impérieuse ? 

84 paillasses pour faire sécher les poissons
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A :Si le tourisme se développe il y aura peut être un espoir. Sinon j’y crois assez peu . Actuellement, l’économie du tourisme est tres limitée et restreinte principalement aux parcs nationaux (d’où les quelques zones protégées).

G :J 03 Puisque nous parlons des parcs, les autorités de ces pays ont conscience de la valeur de leur patrimoine naturel, faune et flore, comme en témoigne l’organisation et la protection de parcs nationaux qui, de surcroît, peuvent constituer un levier de développement économique (tourisme).  Dans ce cadre, ils ont pris des règlements pour interdire, dans certaines zones, la pêche et l’exportation de poissons d’ornement Cette solution rencontre de très gros problèmes pour être contrôlée et maitrisée mais, si elle devenait opérationnelle, elle priverait certains marchés de poissons sauvages. Qu’en pensez-vous ?  Quelles seraient, à votre avis, les réactions des amateurs ?

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A : Pour le lac Tanganyika,  effectivement, on collecte bien dans les réserves. Sur le Malawi c’est très compliqué de collecter dans les réserves (quantités limitées, taxées et peu fréquentes).

G : J 04 Sur les bords du lac Tanganyika, les pécheurs-exportateurs sont les premiers acteurs concernés par  la protection des espèces (poissons d’ornement) mais les priorités de la vie et les besoins à satisfaire sont importants. Pensez vous que, face à une demande parfois forte, ces pécheurs puissent intégrer concrètement le besoin de protection ?

A :  cela m’étonnerait qu’ils résistent à la demande ( à vrai dire je suis quasi sur que non)

G :J 05 En supposant qu’un règlement soit pris pour interdire la pêche de poissons sauvages, complètement ou partiellement (espèces menacées) et que cela soit effectivement appliqué. On observerait alors une forte baisse de revenu des pécheurs dont beaucoup peinent déjà à survivre. Comment faire pour que cette solution soit réaliste ?

A :Il n’y en a pas. Si on limite par exemple ( j’entends souvent ce discours déconnecté des impératifs économiques des pêcheries) la détention des sauvages aux magasins ou élevages professionnels afin de les reproduire et diffuser des F1, les pêcheries arrêteront leur activité. Il leur faut un minimum de commandes pour couvrir leurs charges et les importateurs commanderont beaucoup moins si c’est uniquement pour se fournir de  quelques géniteurs.

G : J 06 Ce monde des pécheurs semble, depuis une quinzaine d’années, relativement désorganisé : la disparition de plusieurs pêcherie traditionnelles (quoi étaient  aussi éleveurs), la tres forte demande  ont conduit à une  démultiplication du nombre d’entreprises et l’activité de pécheurs opérant parfois sans autorisation ou avec des pratiques non conformes.; ainsi, on constate  une certaine incapacité à juguler des actions de pèches illégales et le braconnage ; des entreprises étrangères d’exportation-importation, disposant de moyens puissants, tendent à imposer leurs souhaits pour réponde à la demande de certains marché en croissance forte. Les pécheurs locaux sont à la peine, avec des revenus qui baissent dans un contexte fortement concurrentiel. Vos contacts avec  les exportateurs reflètent ils cette situation ?

A :Sur les côtes malawites il n’y a pas ce phénomène. En Tanzanie beaucoup plus.

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G :J 07 En l’absence de réglementation opérationnelle,  une solution  pour limiter les prélèvements de poissons sauvages serait d’installer des fermes de reproduction sur les bords du lac, des élevages en bassin avec l’eau du lac,  comme cela a déjà été fait,  avec deux objectifs possibles : reproduction en vue de réintroduction ou pour exportation… que pensez vous de cette piste ?

A : L’élevage sur les bords du lac n’aura de sens pour les gens du lac que lorsqu’ils constateront une baisse des poissons disponibles et donc qu’il est plus rentable de les élever sur place au lien de les collecter.

 

 

ton ancienne réponse : Cela n’aura de sens pour eux d’élever que lorsqu’il y aura trop peu de poissons pour que cela soit moins rentable d’aller collecter que d’élever sur place

G : J 08 Le repeuplement du lac avec  des poissons élevés dans ce cadre vous semble t elle une solution bonne et réaliste ?

A :Non. Là encore la menace n’est pas la pêche aquariophile pour 99,9% des espèces

K évolution de l’aquariophilie...

G : K 01 Avant de clore cet échange, essayons de nous projeter un peu…L’aquariophilie des poissons d’ornement (forme naturelle) est une passion individuelle impliquant la « possession » ; en ce sens, elle va progressivement s’opposer au mouvement écologique sur la détention des animaux sauvages: comment voyez vous l’évolution de cette situation ?

A :Il y aura de plus en plus de restrictions c’est certain. Reste à savoir à quel rythme cela va s’accentuer.

G : K 02 Une autre évolution est celle d’internet qui offre de plus en plus une « place du marché » pour acheter et vendre, sans beaucoup de contrôles. Les réseaux sociaux tendent à encadrer cette offre, ou à l’interdire, mais il s’agit d’un mouvement de fond qui a fragilisé le commerce spécialisé, les clubs et qui conduit à un grande perte de maitrise des échanges de poissons…(qualité, traçabilité, génétique).  Qu’en pensez vous ?   Quelles seraient les pistes pour reprendre le contrôle de cette situation ?

A :  C’est d’abord à l’acheteur de savoir demander toutes les informations utiles au vendeur.

Mais internet a un avantage : puisque l’offre de vente (la petite annonce) est faite en public, sur un réseau , chacun peut réagir si, par exemple, l’annonce ne correspond pas à une certaine éthique (par exemple une offre de F1 alors que l’espèce est en zone de pèche interdite). Tout le monde gagne à cette transparence…

96 Maylandia fainzilberi (Pete Barnes)
97 Maylandia fainzilberi Femelles(Pete Barnes)
98 Maylandia fainzilberi (Pete Barnes)

G :K 03 Si l’on pouvait « rationaliser » les prélèvements de poissons sauvages, une aquariophilie des poissons d’ornement fondée en priorité sur des poissons d’élevage vous paraîtrait elle une solution susceptible de convaincre certains mouvements écologiques ? (le poisson deviendrait un quasi animal domestique..) ? Cette hypothèse se heurterait sans doute à une partie des amateurs…. Comment les accompagner dans l évolution de leur demande ?

A :  Le soucis, notamment au niveau du cichlidé, est qu’interdire le sauvage, c’est faire disparaître du milieu aquariophile des centaines (voire milliers) de variétés : toutes les espèces peu demandées,  comment conserver les multiples variantes géographiques sur des centaines d’espèces ??…

G : K 05 Enfin, nous venons d’évoquer plusieurs facettes de la protection des espèces menacées, les freins à sa mise en œuvre, les nombreuses espèces en dangers. On peut soutenir que les prochaines années  ce sujet va s’imposer comme une priorité, comme une nécessité, sans que pour autant on voit clairement encore les solutions. Afin de préparer cette évolution majeure du hobby aquariophile, et de  la filière, pensez vous que tous les acteurs devrait, des maintenant, mettre l’accent sur ce sujet, en le déclinant autant que possible en actions concrètes ?

A : Sur le site web de Neotropic, il existe déjà des informations pour attirer l’attention sur la vulnérabilité de certaines espèces, mais il faut qu’elles soient lues…

Les acteurs de la filière doivent réaliser un effort collectif sur les conditions de collecte.  Mais on ne peut s’empêcher de penser à la phrase d’Ad Konings qui parlait du phénomène de disparition des aufwuchs :

« The lake is dying, it’s a sad story »….

(“Le lac se meurt, c’est une triste histoire »….”)

Remerciements

Notre échange se termine ; sur ce sujet  compliqué et parfois  délicat, il était important d’avoir votre avis en raison de votre large expérience et de votre rôle majeur  dans la filière aquariophile ; je n’oublie pas non plus votre engagement, votre passion et votre vision de l’aquariophile , réaliste, concrète et pleine d’enseignements. Je ne doute pas que nos lecteurs seront très intéressés. Je m’associe à eux pour vous remercier de votre participation.

A : J’ai été tres heureux d’apporter ma contribution  sur le sujet de la protection des espèces.Je souhaite que cet article participe à une meilleurs connaissance des cichlides du lac Malawi et suscite un engagement plus important des amateurs à cette réflexion”

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