je vous regarde...

Rift Cichlid Africa

entete

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Avec un aquariophile italien,

questions autour de la protection des espèces

Enzo Marino (avec la complicité de Gérard Delfour)

A On fait connaissance...

Gérard A 01 : Bonjour Enzo Je suis très heureux que vous ayez accepté de participer à cet échange sur un sujet délicat : la protection des espèces de poissons d’ornement du lac Tanganyika. Nous connaissons .. Nous nous connaissons depuis longtemps;  Pour Commencer, pourriez vous nous parler  un peu de vous ?   

E :bonjour Gérard.  Tout d’abord je voudrais vous remercier pour m’avoir contacté; en général je suis un peu fainéant, mais j’apprécie de participer à cette interview.

J’habite en Italie, à Lombriasco un village de 1000 habitants, à 25 km au sud de Turin.

J’aime la vie, ma famille, l’amitié, la liberté, les voyages en voiture, l’humilité, l’équité, la sincérité et… les cichlidés ! j’aime photographier, mais je ne suis pas un bon photographe. Pour avoir une photo décente, je dois en prendre au moins 10.

Enzo et Madame
Enzo Marino

G :A 02 Vous êtes aquariophile depuis plusieurs années : comment est née cette passion pour les poissons ? Comment peut-on résumer, à grands traits, votre « vie aquariophile » ? Pourquoi cette attirance pour les poissons du lac Tanganyika ?      

E  : 50 ans de passion! 

Un jour, j’ai vu un cichlidé du Malawi dans un magazine italien « aquarium » (il est  fermé depuis de nombreuses années (1980), mais j’y pense encore souvent) . J’ai lu les caractéristiques des poissons et maintenant je suis là pour parler d’eux et partager mes connaissances . Ma vie cichlidophile a été très mouvementée: j’ai parcouru l’Europe en voiture  à la recherche de cichlidés;  ce n’était pas facile., mais j’ai rencontré beaucoup de d’amateurs. Je suis toujours en contact amical avec beaucoup d’entre eux. Les cichlidés du Tanganyika, m’ont beaucoup fasciné, par leur diversité de forme et de modes de  reproduction .           

En août 1972. un ami envisageait de  jeter un petit aquarium en plexiglas d’environ 30 litres. Je l’ai pris. puis j’ai acheté un 80 litres, puis un 200 litres, puis un 500 et puis… et puis… et puis…   

“Comme dans le mariage, il faut attendre environ 7 ans pour comprendre si on est un bon cichlidophile”

En cinquante ans, j’ai la prétention de dire que j’ai élevé 90% des cichlidés du lac Tanganyika:  les Petrochromis, Tropheus et tous les brouteurs sont mes préférés,  mais aussi les Ectodini et les Néolamprologus ont souvent été mes invités.  Je ne me souviens pas comment, mais je suis entré en possession, en 1975,  du livre «cichlidés africains des lacs Malawi et Tanganyika»(Axelrod, Herbert, Burgess et Warren).

J’ai toujours ce livre chez moi; certaines photos étaient encore en noir et blanc et en les regardant aujourd’hui, elles ne m’apparaissent pas de très bonne qualité mais je me prends à rêver lorsque je les regarde .  Le lac Tanganyika m’a beaucoup impressionné, mais je ne dédaigne pas certaines espèces du  lac Malawi .

G :A 03 On sait maintenant que vous aimez les cichlides; quelles sont les espèces que vous maintenez en ce moment ? Quelques mots aussi pour présenter votre installation ..   

E :Des raisons de santé m’ont conduit à  réorganiser mon installation et à  réduire mes bacs dédiés aux Cichlidés de 25 à 3. Dans mes bacs, actuellement il y a les espèces suivantes : Petrochromis, Tropheus, Neolamprologus, Julidochromis, Cyphotilapia, Ophthalmotilapia. Mais l’aquarium est une « cage » !  Nos Cichlidés  ne sont jamais satisfaits de son agencement et de sa décoration ! 

G : A  04 comment faites-vous pour vous procurer  des poissons ?

E  :Je les achète ou les échange éventuellement, surtout avec des amateurs reconnus. En faisant cela,  je pense avoir plus de garanties.

Je n’ai pas acheté en magasin depuis de nombreuses années. il y a longtemps,  j’ai acheté chez Aqua-Treff, et  Cichlidenstadel puis dans certains magasins plus anciens et qui n’étaient plus très actifs , comme Aqua Blue Zaïre, Elevage Aquatique et d’autres comme Leonde (en Italie : leonde.eu/eshop.asp).

G : A 05 avez-vous une préférence pour acheter des poissons sauvages plutôt que de l’élevage ? 

E  :Malheureusement, les Cichlidés que je préfère  ne se trouvent pas facilement et sont difficiles à  garder en  aquarium. Ils sont donc souvent sauvages ; mais je suis honnête, je les préfère comme ça.

Turin by nignt
Lombriasco

G : A 06 Pour vous, l’aquariophilie, c’est : un plaisir sans prise de tête (bac-plaisir)… une occasion de partager avec les autres… un rêve de gosse… un moyen de mieux connaitre la faune du lac…. un petit coin de Tanga chez soi… une bonne solution pour reproduire les espèces et diffuser les jeunes… et aussi… un peu de sous dans la cagnotte ?  Quel est le plus important pour vous ?

E  :Je n’ai pas l’expérience et l’expertise pour parler de l’aquariophilie en général, mais mon recul sur la « cichlidophilie » me permet de  m’exprimer sur la maintenance de ces poissons en  aquarium. Pour moi, c’était, et est encore, une passion!  Celui qui croit que c’est un moyen  de se faire de l’argent me fait rire (ou pleurer). Je peux dire avec certitude, que si j’avais économisé l’argent dépensé à cause de mes Cichlidés (y compris Voyage, hôtels, repas, etc …) en 50 ans, je me serais acheté un appartement modeste ! Je le répète, c’est une passion! Il est agréable d’étudier leur comportement, de voir un couple qui se reproduit (certains pourraient penser que vous êtes un voyeur …). Puis, compter les jours, en attendant avec impatience les premiers alevins, les soins parentaux, les voir grandir :  tout cela procure  une joie inestimable. Il est impossible de penser à reproduire l’écosystème naturel. Les Cichlidés, s’ils sont bien élevés, peuvent s’adapter facilement à notre folie humaine :   les Cichlidés, sont de bons amis. …

G : A 07 Etes vous sensible, intéressé, par la problématique de la protection es espèces ? Pensez vous que ce sujet soit important actuellement et pour les années à venir ? si oui – ou non, pourquoi ?     

E  : Je n’ai jamais sérieusement abordé cette question ; certes, nous devons protéger la faune en voie de disparition mais, j’ai tendance à penser  qu’il est impossible de responsabiliser l’amateur aquariophile.  

Ce sont avant tout les pêcheurs et les exportateurs qui devraient maîtriser ce problème. Ce sont eux qui sentent le  « pouls de la faune », son état réel :  s’ils voient qu’une variété, une zone, est en danger d’extinction, ils doivent arrêter de collecter afin de la  protéger de ce risque. Je me rends compte qu’au-delà des intérêts de ces personnes, il y a souvent des problèmes humains liés aux conditions de vie  des populations locales. Je ne pense pas qu’il soit facile de prendre des décisions pour les prochaines années. D’autre part, nous le voyons aussi pour les poissons de nos mers :  il existe de nombreuses espèces menacées d’extinction, mais nous continuons à pêcher de manière folle, en utilisant le  chalutage avec des filets, et en inondant la mer de des déchets et de plastique.

Comment peut – on penser à être  un exemple pour les  peuples du lac Tanganyika alors que le lac est souvent leur seule source pour pouvoir lutter contre la faim ?           

G :A 08 Adhérez vous à  un club, une association aquariophile ? quel rôle avez-vous dans cette organisation ? Qu’est ce que cela vous apporte  ?    

E  :

Je suis membre de plusieurs associations cyclophiles, en Europe et dans d’autres pays.

L’association italienne  des cyclidophiles (a.i.c), est celle qui m’importe le plus, pour des raisons évidentes. Je suis membre fondateur de cette association depuis 1993. J’en ai été le président pendant 6 ans,  de 2010 à 2016. Puis j’ai préféré passer le relais aux plus jeunes.

a.i.c. association :                https://www.ciclidi.net/                  https://www.facebook.com/aiconline

l’AFC a été ma première adhésion à un groupe cichlidophile (avant même l’a.ic). Je suis très friand de cette association. J’ai beaucoup appris en lisant des articles dans RFC magazine de JC Nourissant (RIP), JP Hacard, mon “ami”  Robert Allgayer (RIP), Patrick Tawil, le très gentil Benoit Jonas.  La fameuse “bourse” annuelle en octobre est légendaire,  un rendez-vous que les cichlidophiles ne peuvent pas  manquer. Ma présence et celle des autres amateurs italiens était constante au cours de mes 6 années de présidence à l’a.i.c  et j’ai puisé de nombreuses idées dans cette association.           

Autre interet :  Gtroph (une association française) est une association particulière et spécialisée sur les  “brouteurs” du lac Tanganyika. Ses membres sont très compétents, parfois trop professionnels. Il est parfois difficile d’entrer dans cette association en tant que débutant car vous devez avoir déjà  une certaine expérience avec ces Cichlidés ; Le Gtroph vous conseillera progressivement pour les comprendre et vous pourrez apprendre quelques trucs qu’aucune autre  association ne peut vous donner. Ce sont de vrais “maîtres”. Je suis ravi d’avoir partagé et partage encore mes expériences avec eux. J’ai encore beaucoup d’amis parmi les membres de Gtroph.

Et j’ai aussi d’autres associations :

La dcg (la grande association allemande) : le professionnalisme de ses membres, est la principale raison d’un néophyte pour y adhérer Je pense qu’elle a été la première association née en Europe, pour réunir des passionnés des cychlides. C’est dans  les pages de son magazine, dcg info, (12 numéros par an), que j’ai découvert de nombreuses boutiques . J’ai encore de nombreux contacts parmi les passionnés de dcg et je la suis également dans diverses réunions et colloques.

L’association anglaise bca, j’en suis membre depuis quelques années. 

la ncs, une importante association suédoise qui publie son magnifique bulletin trimestriel ciklid bladet;  malheureusement la langue m’empêche de lire attentivement ses articles.

j’ai aussi eu d’autres expériences avec d’autres associations, belges/néerlandaises mais maintenant je suis  seulement avec dutch nvc l’american aca, ohi cichlids. 

A l'A.I.C
Réunion A;I.C avez Ad Konings
La bourse, un instant attendu par tous...

B Coup d’œil sur l'aquariophilie en Italie

G : B 01  Comme cet article sera accessible en France, mais aussi dans d’autres pays, cela nous intéresse de faire un rapide survol de l’aquariophilie en Italie. Parmi les hobbies, l’aquariophilie des poissons d’ornement, est elle répandue chez vous ? Comment la caractériser ? A-t-elle évoluée ces dernières décennies ?

E  : A mon avis l’aquariophilie, pas seulement italienne et pas seulement l’aquariophile, est divisée en deux époques, avant et après l’avènement d’internet. Celle d’avant internet était souvent pratiquée physiquement au travers de réunions à domicile, en salles, en assemblées, en congrès, etc…

Après, avec le fameux « www », l’aquariophilie s’est beaucoup répandue, d’un clic : confortablement en tout lieu, on peut presque tout savoir et gratuitement. Il est également vrai que beaucoup de bêtises peuvent également se répandre et donc à nous de comprendre de quelle source  vient l’information,  nouvelle ou pas. J’en suis personnellement satisfait mais j‘utilise  avec prudence, j’essaie d’apprendre et parfois de conseiller quelqu’un qui me le demande .           

 

L’association italienne aic représente typiquement le peuple italien. Avec beaucoup d’humour, , les membres se laissent aller à un enthousiasme irrépressible puis tombent dans l’anonymat. Quand il semblait qu’elle pouvait faire un saut de qualité, autour de 600 adhérents en 2000, internet est arrivé puis la pandémie de covid et comme pour les autres associations, année après année, elle s’est réduite à environ 200 adhérents. Mais elle est toujours vivante et active,  attentive à toutes les évolutions et informations  sur les Cichlidés ;  l’association publie 4 bulletins annuels d’environ 40 pages ; elle tient  un congrès annuel, éventuellement le troisième week-end de septembre et lors de ces rencontres l’amitié se renforce grandement et beaucoup d’enthousiasme se crée.    

 

Ces dernieres années, je ne pense pas que le hobby aquariophile ait baissé en Italie meme à la suite des difficultés économiques ;  généralement les loisirs ou les passions souffrent peu d’une baisse du pouvoir d’achat. J’ai entendu beaucoup de commerçants ces derniers mois et seuls quelques-uns enregistrent des répercussions économiques. En fait, le passe-temps ou la passion, c’est comme échapper à de nombreux problèmes…

G  : B 02 En Italie, que dire de la demande de poissons des grands lacs africains (Tanganyika, Malawi, etc) ?  

E  : En Italie, La demande de cichlidés des  grand lacs est très élevée. Mais le problème n’est pas dans la demande, mais dans l’entretien et le soin des poissons. Beaucoup d’amateurs sont attirés par un aquarium dans les magasins présentant des  Cichlidés tres colorés avec parfois leurs reproductions. Ces amateurs  achètent l’aquarium, le poisson, puis après quelques mois, ils s’ennuient parce qu’ils n’ont pas assez d’ expérience … les arrêts de filtre, le chauffage à 40 degrés, les poissons meurent :  ils ne savent pas comment gérer eux-mêmes et  abandonnent tout.

G : B 03 Ces dernières années, avez-vous perçu une évolution de l’offre ? L’intérêt pour l’aquariophilie a t ‘il a provoqué un dynamisme de l’offre de poissons d’élevage 

E  : Je crois qu’il y a eu une évolution surtout du côté des importateurs. Presque toutes les variétés de cichlidés peuvent maintenant être trouvées alors que ce n’était pas possible il y a quelques années. Les lac  Malawi et  Tanganyika sont les maîtres dans cette activité.

En ce qui concerne la maintenance d’animaux sauvages, s’ils sont bien mis en quarantaine dans le respect des règles et envoyés à l’amateur, sauf pour quelques cas, ils pourront etre maintenus avec succès s’ils sont gérés correctement. Toutefois, je conseillerais aux débutants de “faire l’expérience” d’abord avec des poissons d’élevage.

G : B 05 Y à une revue aquariophils éditée en Italie ?   

E  : Jusqu’à l’avènement d’internet, nous avions des magazines professionnels, comme « mon aquarium », « aquarium », « hidra ». Je ne pense pas qu’il existe de magazines spécialisés à ce jour. L’a.ic publie un magazine trimestriel sur les cichlidés.

G : B 07  A votre connaissance, certains amateurs se sont ils organisés en Italie dans la maintenance d’un petit nombre d’espèces, voire d’une seule, afin de pouvoir offrir aux autres amateurs des jeunes de qualité ?

E  :Oui! il y a de très bons éleveurs amateurs, qui élèvent et échangent des espèces spécifiques ou appartenant à des biotopes précis ou des  thématiques particulières.

 Je pourrais aussi me définir dans cette catégorie, mais pas pour des raisons commerciales ! Je suis et resterai un cichlidophile amateur .

C Coup d’œil sur l'actualité

G : C 01 Dans cet échange, il serait anormal de ne pas évoquer l’actualité, avec deux sujets ; d’abord un tour d’horizon rapide sur la crise du Covid : avez-vous, vous ou votre famille, eu des difficultés avec ce virus ? Ce virus a t-il, eu une répercussion sur votre hobby ?            

E  :  Ma femme et moi, heureusement, n’avons pas été contaminé par le  Covid. Nous nous sommes faits vacciner le plus tôt possible. Le Covid en Italie, comme vous le savez, a été spectaculaire.  Enfermé dans la maison pendant des mois, et ne pas voir les enfants, a été terrible. Dans cette situation,  la vidéo audio / web a été très utile et un soulagement. Le virus n’a pas créé de grandes difficultés dans notre passe-temps. Les magasins pour animaux de compagnie en Italie (y compris les poissons) ont toujours été ouverts et disponibles. , L’expédition, si quelqu’un avait besoin de poisson ou autre, a été presque immédiate. 

En décembre 2020 le fond de mon aquarium de 800 litres s’est “scindé” en deux. J’ai eu quelques jours traumatisants car dans le bac j’avais une vingtaine de Petrochromis (rouge et trewawasae). Eh bien, ma boutique “acquarissima 2000” à Turin est venue chez moi avec une camionnette et un aquarium d’environ 400 litres : deux employés ont vidé mon bac et l’ont réparé temporairement. Je n’ai rien touché ! En quelques heures, j’ai fait nager mes poissons dans cet aquarium. Ils m’ont pris celui qui était cassé et un mois plus tard, ils m’ont apporté la nouvelle cuve, en faisant le même travail à l’envers. le tout avec des masques et les précautions anti covid normales. 

Dans les pays exportateurs, Covid a eu des répercussions principalement économiques. De toute évidence, il n’a pas été possible d’envoyer du poisson aux pays touchés (presque tous).  Les populations vivant sur les rives des lacs ou des cours d’eau ont été en grande difficulté économique. Les pêcheurs qui vivent de la pêche et  qui, pour quelques dollars / euros ne pouvait pas travailler à cause du manque de demandes. Cependant, je ne crois pas que ces populations côtières ou fluviatiles ont eu des dommages importants pour la santé en raison de la Covid. Car peu de gens sont allés dans ces zones et  ils ne risquaient pas d’être infectés.. 

G :C 02 Second sujet d’actualité : en ce moment, et bien avant la période des pluies, on a observé une montée des eaux du lac Tanganyika, avec de nombreux dégâts, soit directement, soit lié aux rivières en crue ; les champs ont été inondés, il y a même des populations qui ont du être déplacées car privées de toit. Ce n’est pas la première fois, mais il semble qu’on soit dans un cycle long, avec une montée progressive des eaux. Avez-vous suivi cette actualité du lac ? Que pensez-vous de cette situation ?          

E  : Je ne peux pas répondre à cette question. Je crois cependant qu’elle est liée à un facteur cyclique du réchauffement climatique ;   nous en sommes complices mais nous ne pouvons pas décider de tout .

Tempete pendant la crue du lac Tanganyika
crue du lac dans le nord
Hebergement des populations déplacées

D Protection des espèces : approche générale

G : D 01 Notre échange a pour objet de parler de la protection des espèces (poissons d’ornement) du lac Tanganyika, ce qui  sous entend qu’il y a danger ; quel est votre sentiment sur ces menaces ? Le lac est il en danger ?

E  : Je pense l’avoir déjà dit précédemment : la protection de la faune du lac doit être mise en œuvre par les hommes, les pêcheurs, les exportateurs du pays ! Leur économie est en jeu ainsi que la réduction des espèces endémiques Les demandes présentées par les   magasins commerciaux  ne doivent être satisfaites que pour une quantité raisonnable de poissons . 

G : D 02 Les poissons d’ornement sont en grand nombre dans le lac, et certains amateurs se demandent si le danger de disparition est réel, une  colonie affaiblie se rétablissant finalement assez vite dans un lac véritable « mer intérieure »… Quand pensez-vous ?      

E  : Ma réponse en un exemple  :  Comme le Tropheus Ilangi, en danger,  n’est localisé que dans une zone très réduite, si les pêcheurs font des raids avec les filets, il est facile de penser qu’il va disparaître. Laissons-les tranquilles pendant deux ans, puis on verra… 

Ponte Tropheus Ilangi
symphonie de jaune Tropheus Ilangi
bac autour des Petrohromis

G : D 03 Quelles sont les espèces du lac (poisson d’ornement en particulier) que vous considérez particulièrement menacées ou en danger pour le lac Tanganyika ?       

E  : Toutes les espèces sont menacées ! Je le répète, cela dépend des exportateurs locaux ! Si à Maswa le Tropheus duboisi est quasiment éteint, c’est qu’ils en ont attrapés trop ! Pour autant que je sache, certaines entreprises locales se préparent à construire de grands réservoirs en béton sur la rive du lac, essayant de repeupler les espèces menacées et en même temps, reproduisant et exportant le poisson des réservoirs :  c’est peut être une bonne solution…

G : D 04 Des « red list » ont été établies, avec, par exemple, une liste des poissons « en danger » ou « critiques » mais l’application est inégale ; pensez-vous que cet instrument soit efficace ?

E  :Non!  D’une certaine manière, ces listes  accentuent le désir d’avoir les poissons » de la liste rouge ». Le seul moyen, à mon humble avis, est ne pas pêcher! 

G 😀 05 D’une manière générale, c’est-à-dire en dehors des cichlides du lac Tanganyika, voyez-vous d’autres espèces de poissons d’ornement en danger ou vulnérable dans cette région ?   

ophthalmotilapia ventralis sybwesa
Tropheus duboisi
un peu de Malawi : C moorii

E  : Tout peut être vulnérable, pas seulement les poissons, même toute la faune. Cela  dépend de nous, du climat ou d’autres facteurs (guerres ou autres). 

E L'amateur et la protection des espèces

G : E 01 je vous propose maintenant de parler des différents acteurs de la filière aquariophile… en commençant par le dernier, l’amateur ; il s’agit d’essayer de cerner son approche de la protection des espèces et de voir quelles pistes s’offrent à lui pour y participer. D’abord, selon vous, qu’est ce qu’un bon aquariophile ?    

E  : il y a quelques années j’ai lu une statistique :  seuls 10 novices sur cent ont continué leur aventure avec ce loisir pendant plus de cinq ans, un sur cent pendant plus de 10 ans. Je ne pense pas que ce soit très différent aujourd’hui. Parler de protection des poissons avec des débutants est de la pure folie :  la plupart d’entre eux achètent le premier aquarium classique parce qu’il est agréable de voir les bulles qui font bouger le bateau, ou parce qu’il est agréable de voir les poissons colorés, ou encore pour montrer à son enfant les petits poissons qui nagent. Que savent-ils de la protection ? De la culture ? Des lacs ou des rivières ? Des mers ? Pourtant, il existe des centaines de livres ou de magazines qui peuvent les conseiller sur la manière la plus correcte de garder leurs animaux de compagnie.    

G : E 02 Pour beaucoup d’amateurs, la détention de poissons sauvages reste « incontournable » : pensez-vous que cela soit indispensable pour qu’un aquariophile éprouve du plaisir ?

E  :Certes, beaucoup d’amateurs sont fiers d’avoir une espèce  sauvage, de la reproduire et de montrer tout cela aux yeux de tous. Je pense que s’ils le faisaient avec humilité et à des fins scientifiques, cela pourrait être plus correct .   

G : E 03 Maintenez-vous, ou avez-vous déjà maintenu des poissons sauvages ?   

E  :Oui! Après presque 50 ans d’élevage de cichlidés, je préfère les sauvages. s’ils sont conservés correctement, ils montrent plus de caractère, même la structure du poisson peut présenter de petites différences par rapport aux poissons d’élevage .  

Benthochromis horii
Ctenochromis horei
Chalinochromis ndobhoi

G : E 04 Maintenez-vous –ou avez-vous déjà maintenu des espèces en danger (ou critiques) ? si oui, puis je vous demander si ces poissons étaient des sauvages ?     

E  :Oui! Tropheus Ilangi sauvage, Tropheus duboisi Maswa f1, Tropheus Murago Tanzanie sauvage.

G :E 05 Une question difficile… Essayons de comprendre ensemble pourquoi un amateur s’attache à maintenir des poissons sauvages… Voici des propositions, qu’en pensez-vous ?   

E  : D’abord, une remarque : je peux me considérer comme un amateur qui est loin de ses premières expériences. Au fil des ans, j’ai recherché des poissons sauvages, mais seulement après de nombreuses années d’apprentissage et d’expérience. Je pense qu’il est compréhensible qu’un aquariophile recherche des poissons “originaux”, appelés poissons sauvages, pour son aquarium. Le “vrai” cichlidophile veut comprendre et apprécier les différences de morphologie, de couleurs et de comportements.

  • Un sauvage est toujours ” plus beau ” qu’un poisson d’élevage … il a aussi un ” comportement naturel ”    : Un cichlidé sauvage n’est pas toujours plus beau, ce qui fascine c’est le comportement différent du poisson pour la reproduction et l’élevage.
  •  
  •  Pour certaines espèces, les poissons d’élevage, même les F1 présentent des différences morphologiques….De nombreuses espèces de cichlidés f1 présentent des différences morphologiques par rapport aux espèces sauvages. Les sauvages, généralement les Tropheus, Petrochromis, Ophthalmotilapia, Cyathofarynx, Lobochilotus, Cyphotilapia, Boulangerochromis, ont une taille plus grande, la première partie du corps est plus haute, les nageoires pectorales plus longues, les dents plus dures et puis un comportement (seulement après un période adéquate dans l’aquarium) plus agressif.      

  • Comme je fais de la reproduction, je ne prends que des sauvages…Si j’ai le choix, je préfère les Cichlidés sauvages, sinon j’accepte aussi les f1. Pour toutes les reproductions, j’échange les f1 avec d’autres amateurs. Sur les reproductions de Cichlidés sauvages, si je peux gagner quelques euros ça ne me dérange pas, pour compenser les achats d’animaux sauvages ou pour amortir les frais d’électricité, de nourriture et plus encore.

  •  Oui, je prends des sauvages, car je veux avoir un poisson d’un lieu de pêche précis …Je ne fais pas toujours confiance aux importateurs. J’essaie de faire des choix.

  •  Je suis spécialisé dans la maintenance d’une espèce, et je veux pouvoir observer les différences dues aux lieux de pêche….Les brouteurs sont mes cichlidés préférés, mais au fil des ans, j’ai tout élevé. Je ne pense pas qu’il y ait de différences de comportement entre les lieux de pêche.

  • En conclusion, et comme je l’ai déjà dit avant, si j’ai  le  choix,  je préfère un poisson sauvage pour les raisons précises et nombreuses que j’ai évoquées. Il est évident aussi que je prends des poissons compatibles avec mes aquariums. Parfois je cherche des poissons rares, mais parce que j’ai déjà eu des expériences avec tous les autres. 

 

 

E 06 Je vous remercie d’avoir joué le jeu pour traiter cette question. Maintenant, peut-on dire que, finalement, acheter des poissons sauvages ne se justifie objectivement que dans quelques cas très précis ? Acquérir de beaux F1, dont on a vu les géniteurs, n’est-il pas préférable ?      

E  : Je pense que le poisson sauvage (compatible avec l’extinction) peut être acheté. Par contre, s’il n’y a pas de sauvages, il n’y a même pas de f1. 

GE 07 Nous avons déjà évoqué les « listes rouges », mais leur connaissance et leur application sont inégales ; à votre avis, ces listes sont-elles  connues par les amateurs en Italie ? D’une manière générale, pensez-vous que les amateurs connaissent les zones du lac dont la pêche est interdite par une réglementation nationale ?              

E  : Je n’ai jamais vu une liste rouge!   Qui , en Italie et dans le monde connaît cette liste rouge? Où est-ce? qui l’a faite? Est ce un groupe de professionnels biologistes qui décident de la liste rouge? Il ne faut pas oublier que les poissons sont aussi une source de nourriture pour les populations locales. A mon avis, cela devrait être géré en collaboration entre les pêcheurs, les biologistes et les importateurs. 

Neolamprologus mustax
cyphotilapia gibberosa moba vs metriaclima zebra ob lion cov…
neolamprologus nigriventris

G : E 08 Chez les acteurs de la filière (pêcheurs, exportateurs et importateurs, et même certains amateurs), on entend souvent dire que l’amateur détient la clef du problème de la protection, puisque c’est sa demande, parfois forte, qui provoque la pêche parfois excessive qui elle-même alimente la distribution (importateur, grossiste et magasin de détail ; Que pensez-vous de cette affirmation ?    

E  : Mais non! Pensez-vous que si j’allais voir mon commerçant et lui demandais d’avoir des Tropheus Ilangi pour moi, cela serait accepté ? Avez-vous déjà essayé? Je serais heureux si mon spécialiste  me répondait :  “ce n’est pas possible! C’est un poisson en voie de disparition” ! J’apprécierais beaucoup cette réponse. Je reviendrais avec plus de confiance dans cette boutique. Ces responsabilités ne peuvent être confiées à l’éleveur final. Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai lu quelque part que l’aquariophile n’affecte que 10% de la protection des Cichlidés. 

G : E 09 Protéger les espèces menacées est d’autant plus ressenti que l’on connait la situation du lac, les risques qui pèsent sur lui, les menaces sur les espèces. D’après vous, les amateurs que vous connaissez sont ils, de ce point de vue ” en prise avec le lac ” ?      

E  : Les magazines spécialisés, les congrès (et non le bla-bla-bla d’internet ou de fb) qui organisent des relations avec des intervenants qui connaissent les  lacs ou de rivières, peuvent beaucoup nous aider à nous faire comprendre dans quelle situation  se trouvent les lieux naturels, leur environnement et dans quel sens nous devons aller.        

G : E 10 Les organisations d’amateurs, les associations parfois nationales, ont joué un rôle important dans la promotion et la connaissance des cichlides et autres poissons d’ornement de forme naturelle. Cependant, les années enthousiasmantes de découverte sont passées et, sous l’effet de l’internet notamment, ces organismes éprouvent maintenant quelques difficultés pour motiver leurs adhérents ; Un message pour elles ? Quelles pistes intéressantes ? Par exemple, le moment n’est-il pas venu de parler beaucoup plus de la protection des espèces, et même d’en faire une orientation majeure ?      

E  : Les  difficultés rencontrées par les associations sont  réelle. Le boom d’Internet et maintenant le covid 19 ont provoqué des activités très limitées. Mais j’espère qu’elles pourront maintenir une activité de contact en direct avec les membres. Internet peut être un moyen de connexion pour faire connaître ces organisations et les  entreprises mais le contact humain est indispensable. Internet ne véhicule pas, ne permet pas de partager les  émotions,  peurs, encouragements , comme ce qui se fait dans les rencontres organisées par les associations, c’est certain, oui !

G :E 11 Pour limiter les prélèvements des poissons sauvages, une solution serait de mettre en place des fermes de reproduction et d’élevage sur les bords du lac ; cela a déjà été fait par le passé, notamment par FOB et par Toby Veall, mais  ces exploitations ont dû être arrêtées pour des raisons personnelles (et non économiques ). Que pensez-vous de cette solution ?       

E  : Je connais peu ce sujet. Sans aucun doute créer des installations au bord du lac peut beaucoup aider. Cela peut être utile à la fois pour la protection du poisson et pour la satisfaction de l’éleveur. 

petrochromis ephippium mahale
petrochromis horii red aggressive mahale
epidiolamprologus-nkambae

G : Et 12 Accepteriez-vous d’acheter des poissons élevés dans de telles fermes ? Auriez-vous des exigences particulières ?    

E  : J’accepterais certainement mais ce n’est pas nécessaire !

G : E 13 Une autre solution serait, pour un pays donné (par exemple chez vous), et pour éviter d’importer des poissons sauvages, de mettre en place une organisation permettant de fournir des F1 ou F2 de qualité (surtout pour les espèces en danger ou fortement demandées) ; Que pensez-vous de cette solution ? Achèteriez-vous des poissons élevés dans ces conditions ?     

E  : Personnellement, je ne vois pas cette solution faisable. Comme je l’ai déjà écrit auparavant, je préfère avoir des expériences avec des poissons sauvages (seulement si possible). Mais comment décrire le comportement et comparer un poisson sauvage avec un reproducteur ?    

F Quel rôle pour l'importateur commerçant ?

G : F 01 Protéger est l’affaire de tous, sauf que pour avancer sur ce sujet difficile, chacun doit faire un pas… On peut dire qu’un importateur est un ” influenceur ” puisqu’il ” fabrique ” l’offre proposée aux amateurs ; agissant dans un but commercial, avec des contraintes propres, pensez-vous qu’un importateur à un rôle à jouer dans la protection des espèces ? si oui, lequel selon vous ?             

E  : Tout d’abord l’importateur, pour être un “influenceur”, devrait être conscient de nombreux facteurs (trop, sans doute : , la population, les pêcheurs, l’environnement, la pollution de l’eau, la politique locale, la protection des espèces menacées. Je ne pense pas que l’importateur puisse avoir un rôle décisionnel. Il doit aussi s’occuper du bilan de son entreprise, de son résultat. 

G : F 02  L’importateur, en général un grossiste, influence le choix des amateurs ; beaucoup mettent en avant les sauvages ; que penser de l’idée, au contraire,  de proposer d’abord des poissons d’élevage ( de qualité ) en insistant sur la nécessaire protection des espèces ?      

E  : Le grossiste peut grandement influencer le choix des amateurs. Je ne pense pas que ce soit lui qui propose le poisson sauvage en premier. Il a  beaucoup moins de problèmes bureaucratiques (administratifs)  en proposant des poissons d’élevage.

neolamprologus leleupi longior
cyathopharynx foae sybwesa
tanganicodus-irsacae-kavala

G : F 03 Lorsqu’un importateur achète un poisson sauvage, pensez-vous qu’il connaît les pratiques des pêcheurs et qu’il peut avoir des exigences particulières (par exemple sur le sérieux des pratiques de pêche)  ?    

E  : Certains, les plus sérieux, certainement oui. Les autres sont clairement indifférents.

G : F 04  Les listes rouges devraient-elles s’ imposer à un importateur ?   

E  :Comme je l’ai écrit précédemment, je ne pense pas que les importateurs travaillent avec des listes rouges (si elles existent).

G : F 05 Dans certains pays, la législation permet à un importateur qui vend des poissons sauvages de reprendre ensuite la reproduction des amateurs sérieux et compétents ; cette organisation permet de limiter les prélèvements de sauvages et de participer à la promotion des poissons d’élevage de qualité. Que pensez-vous de cette organisation ?    

E  : C’est certainement une bonne suggestion. Les associations elles-mêmes pourraient proposer ces conseils-solutions à leurs membres. Je crois qu’il est intéressant de le faire .

G : F 06 En 2018, le propriétaire d’un grand magasin de poissons exotiques français (importateur) est allé au Lac Malawi pour préparer ses achats avec les pécheurs exportateurs  (voir article XX); avant de partir, il a lancé une campagne de dons, en nature ou en fournitures scolaires (pour les écoles) qui  a suscité une grande participation des amateurs ; c’était une façon de rendre un peu à cette Afrique qui nous donne tant de plaisir. Que pensez-vous de cette initiative ?         

E  : un gars bien! c’est une belle initiative de soutien et de solidarité avec le peuple africain. Sur ce  sujet, notre association cichlidophile a  fait des dons en argent, via des intervenants qui sont revenus sur les lieux de pêche. et d’autres associations ont également fait la même chose. Je crois, cependant, que le propriétaire de la boutique a fait la meilleure chose. Les cadeaux remis physiquement “de la main à la main”  peuvent être la meilleure solution. même si vous avez besoin d’argent pour les frais de transport.     

G les gens du lac, le premier échelon de la protection ?

G : G 01 J’aimerais maintenant vous faire réagir sur la problématique de la protection telle qu’elle se pose pour les ” gens du lac “. Pour les populations, le lac Tanganyika est une source alimentaire, une source de revenu, un moyen de vivre avant d’être un trésor de l’évolution des espèces ; les pays qui bordent le lac doivent faire face à des défis redoutables avec des moyens très  limités, même si l’aide internationale est présente : dans ce cadre, pensez-vous que la protection des espèces soit ressentie comme une priorité impérieuse ?

E  : Je me suis déjà exprimé précédemment sur cette question délicate. La nécessité de protéger la faune( mise en danger par l’avidité des  pays riches) se heurte à l’obligation de nourrir les  populations sur les bords des lacs africains. Ils ont faim! Mais je crois que les gens des lacs n’accordent pas une priorité suffisante  au danger d’extinction. Ceux qui doivent faire face et prendre des initiatives sont les autorités locales avec l’aide des exportateurs locaux! seulement,  savent ils si 5,  10, ou 100 Tropheus Murago ou Maswa ( ou d’ autres espèces) peuvent être capturées ?   La protection des espèces en voie de disparition est une priorité..mais faire disparaître la faim est encore plus important ! 

Plusieurs fois j’ai été contacté par message ou par courrier électronique, par des pêcheurs locaux privés, qui proposent l’ envoi de poissons sauvages avec des listes et des photos. Je ne veux pas entrer dans les questions politiques! Mon observation sur cette question est basée sur les rapports des groupes, à leur retour de leurs voyages et sur les différentes informations provenant des médias.  Personnellement, je n’ai jamais eu la chance d’aller voir les grands lacs africains .       

altolamprologus compressicceps mandarin kilima
cyphotilapia gibberosa moba
tropheus mpimbwe red cheeck

G : G 02 Mais les autorités de ces pays ont  de plus en plus conscience de la valeur de leur patrimoine naturel, faune et flore, comme en témoignent l’organisation et la protection de parcs nationaux qui, de surcroît, peuvent constituer un levier de développement économique. La préservation des poissons d’ornement pourrait-elle rentrer dans ce cadre de protection juridique, comme cela a été fait par exemple en Zambie (baie de N’Kamba, Tropheus Ilangi) ?   

E : la Zambie me semble être un pays assez actif sur la protection de son patrimoine naturel. il peut être un exemple pour tous les villages riverains des lacs.

Les Tropheus Ilangi de la baie de n’kamba font également partie de ce thème, et  je pense qu’un bon travail de conservation est en cours. Cependant, on observe que certains parviennent à pêcher et à exporter (en petites quantités) ces poissons.

G : G 03 Sur les bords du lac Tanganyika, les pécheurs-exportateurs sont les premiers acteurs concernés par  la protection des espèces (poissons d’ornement) mais les priorités de la vie et les besoins à satisfaire sont importants. Pensez vous que protéger est ressenti comme une véritable nécessité face à une demande parfois très forte ?

E : les exportateurs des lacs connaissent très bien la situation politique/économique de la population locale. il y a quelques années, des amis revenant de leurs voyages, m’ont raconté que des pêcheurs plongent à des profondeurs dangereuses pour récupérer un dollar… ou une chemise. Cela signifie qu’ils considèrent qu’il est primordial d’entretenir une famille affamée, c’est plus important que de protéger le poisson. Je pense qu’ils connaissent très bien le risque d’extinction, mais la priorité c’est de manger… et puis il y a le dieu de l’argent qui est le maître. En vérité il suffit de regarder dans notre maison, dans nos mers nous attrapons n’importe quoi. Beaucoup d’entre nous continuent de manger du poisson de toute sorte. Se demande-t-on  d’où il vient et si c’est une variété protégée ?    

G : G 04 Ce monde des pêcheurs semble, depuis quelques années, relativement perturbé, avec une certaine incapacité à juguler des actions de pêches illégales et le braconnage pour répondre à la demande forte de certains pays. Vos contacts avec les commerçants (et / ou importateurs) reflètent ils  cette situation ?     

E : à quelques exceptions près, je ne crois pas à la pêche commerciale illégale. Oui, il peut y avoir des pêcheurs qui pêchent en dehors des règles., mais je crois qu’ils sont isolés et peu nombreux. Je ne sais pas si les pêcheurs peuvent s’entendre sur  une législation commune. Je ne pense pas que ce soit facile. 

gnathochromis permaxillaris
tropheus nkonde
xenotilapia papilio sunflower isanga

G :G 05 Sur les bords du lac, plusieurs acteurs (pécheurs, etc) m’on dit avoir des difficultés pour comprendre les amateurs aquariophiles ; je cite un exemple : « aimer les poissons ne devrait pas conduire à les mettre dans des aquariums mais au contraire à venir les voir dans leur milieu naturel, plonger avec eux. » Comprenez-vous ce point de vue ? ? Quelle réponse faire ?        

E : Moi aussi j’ai entendu cette position…. Pourtant,  ils continuent de nous les proposer même illégalement et  je reçois diverses offres de pêcheurs privés. Cependant, d’un certain coté,  je crois qu’ils ont raison.

H coup d'œil sur l'évolution de l'aquariophile

G :H 01  Avant de clore cet échange, essayons de nous projeter un peu…L’aquariophilie des poissons d’ornement (forme naturelle) est une passion individuelle impliquant la « possession » ; en ce sens, elle va progressivement s’opposer au mouvement écologique sur la détention des animaux sauvages. En ce moment, deux propositions sont en discussion pour modifier en profondeur les législations nationales : une délibération faite au  conseil fédéral allemand (https://www.facebook.com/groups/171301680563484)   proposer d’interdire complètement toute importation d’animal sauvage, y compris les poissons;  dans le même temps, le projet de loi actuellement au Sénat (en France)  sur la maltraitance animale ( Sénat  projet de loi n° 87) va   dans le même sens…S’il est peu probable qu’une évolution aussi profonde se fasse rapidement, ( ce n’est pas la première modification  réglementaire)  on ne peut contester que le mouvement soit lancé. Absence de poissons sauvages signifie, en théorie et à terme, une évolution profonde  de l’aquariophilie pour les poissons de forme naturelle…Qu’en pensez vous ?

E : c’est un discours très compliqué, même politique. Je pourrais être d’accord avec les mouvements écologiques, mais en même temps je ne me priverais pas de mes poissons. Je pense que peu de choses vont changer pour l’avenir. il est probable que les importations seront limitées, mais je ne pense pas qu’une fermeture totale puisse être réalisée. 

G :H 02  Une autre évolution est celle d’internet qui offre de plus en plus une « place du marché » pour acheter et vendre, sans beaucoup de contrôles. Les réseaux sociaux tendent à encadrer cette offre, ou à l’interdire, mais il s’agit d’un mouvement de fond qui fragilise le commerce, les clubs et qui conduit à un grande perte de maitrise des échanges de poissons…(qualité, traçabilité, génétique). On ne peut pas rejeter l’idée qu’il est maintenant possible de vendre n’importe quoi…. Qu’en pensez-vous ? 

 

E : cela peut être vrai pour tout sur le marché Internet, pas seulement pour le poisson. il faut être très prudent, savoir bien à qui on achète et ce qu’on achète. Je ne pense pas que cela fragilise beaucoup les magasins, ils offrent une garantie, un point de référence. Par ailleurs, les associations (même en difficulté) peuvent aider par leurs relations avec leurs membres. . Je crois et j’espère qu’elles pourront survivre aux informations sauvages d’Internet. Cependant, si l’amateur sait choisir, il peut trouver une certitude de la qualité et de la traçabilité car il y a aussi des gens  ou des commerçants sérieux sur internet. J’en connais certains et pour information je me tourne aussi vers eux.         

lobochilotus labiatus
cyprichromis microlepidotus black kiriza
tanganicodus irsacae kavala

G : H 03  Si l’on pouvait « rationnaliser » les prélèvements de poissons sauvages, une aquariophilie des poissons d’ornement fondée en priorité sur des poissons d’élevage vous paraîtrait elle une solution susceptible de convaincre certains mouvements écologiques ? (le poisson deviendrait un quasi animal domestique..) ? un telle situation serait elle intolérable pour nombre d’amateurs ?

E :Je n’aime pas le terme rationaliser, j’utiliserais ” réduire “. Ce processus pourrait être un point de rencontre avec les écologistes  pour la protection naturelle des poissons. Pour la plupart des débutants, je ne pense pas que ce soit un gros problème.  

G : H 04  D’une manière générale, l’aquariophilie s’est développée autour d’une passion, forte, un véritable plaisir, une augmentation des connaissances dont la source est, pour partie, en Afrique : on a donc pris une part des ressources naturelles de ces pays  et la question ne peut manquer de se poser : y a-t-il eu un « retour » suffisant ?  Pour la décennie qui vient, les acteurs de la filière aquariophile peuvent ils se dispenser d’introduire, lors de certaines actions (par exemple l’importation de poissons sauvages) une aide financière  aux pécheurs, aux organismes qui participent à la protection des poissons et aux pays d’origine ?  Un retour vers cette Afrique qui nous donne tant ?

E : Certaines entreprises ont installé des gîtes, des villages, des hôtels. Je ne pense pas qu’on  ait été simplement ” pris  à l”Afrique, car l’argent a également été utilisé pour faire  travailler les habitants des rives du lac. Je connais personnellement des gens qui sont sur le lac depuis des années et qui, grâce à des fonds principalement européens, ont construit des écoles, des puits d’eau, ont transformé  les terres pour la  culture. C’est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a eu :  une petite contribution a été faite.      

Tropheus kalambo ob mutant
ophthalmotilapia nasuta mukosa
microdontochromis rotundiventralis

G : H 05  Enfin, nous venons d’évoquer plusieurs facettes de la protection des espèces menacées, les freins à sa mise en œuvre, les nombreuses espèces en dangers. On peut soutenir que les prochaines années  ce sujet va s’imposer comme une priorité, comme une nécessité, sans que pour autant ’on puisse encore entrevoir les solutions. Afin de préparer cette évolution majeure du hobby aquariophile, et de  la filière, pensez vous que TOUS les acteurs devrait, des maintenant, mettre l’accent sur ce sujet, en le déclinant autant que possible en actions concrètes ?

E :  plutôt que de soutenir, il y a l’espoir que nous pouvons tous contribuer à la protection de la faune locale. mais pas seulement la faune, mais aussi les populations méritent l’attention et le respect de nous tous. Je ne sais pas ce qui peut arriver avec le changement climatique et la désertification. Que pourrions-nous faire si nous ne respectons pas l’environnement avant tout ? Je ne pense rien de bon.

Remerciements

G : Enzo,  notre échange se termine ; sur ce sujet compliqué et sans doute délicat, il était important d’avoir votre avis et je ne doute pas que nos lecteurs seront très intéressés. Je m’associe à eux pour vous remercier de votre participation, de votre patience pour nos nombreux echanges (avec traduction..) et, enfin, du temps que vous nous avez consacrez pour  réaliser cet article. Puisque vous l’avez évoqué rapidement, je forme le vœux que votre santé ne soit jamais un frein  au plaisir que vous prenez avec vos poissons..

E : Gérard, Je vous remercie  pour votre patience et votre disponibilité. Dans les  questions posées, je vois beaucoup de passion et la volonté de vouloir faire quelque chose qui reste « naturelle ». En m’adressant à tous les lecteurs,  je souhaite à votre (notre) projet une évolution positive et une participation plus active;  voilà un bon travail !.  

Tropheus kalambo ob mutant
Tropheus Murago Tanzanie

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